- Bien ! fit le solennel barbu en se levant d'un bond. Alors, comme vous l'avez suggéré, gagnons un lieu à l'abri des oreilles indiscrètes !
Et Skadi, qui venait pourtant de confortablement caler son fessier n'eut d'autre choix que de se lever.
Un instant plus tard, dans l'une des plus grandes chambres, assises sur les monticules de peaux les plus chaudes et soyeuses qu'avait pu dénicher leur hôte en guise de couches géantes, les cousines écoutaient le terrible récit du vétéran.
- Tout a commencé il y a deux semaines, quand l'un des serf a disparu. Il travaillait seul dans l'un des champs près de la lisière ce jour là, et n'est pas rentré le soir venu. Personne hormis sa femme ne s'en est vraiment soucié : les moissons approchant, tous avaient la tête à autre chose, et on s'imaginait simplement le voir revenir d'une braconne improvisée, d'une petite escapade urbaine ou d'une sieste prolongée en compagnie de sa bouteille favorite.
Le rouquin marqua une pause et prit une grande inspiration.
- Puis, le lendemain, un autre croquant manquait à l'appel. Cette fois-ci, on s'en est inquiété, et il a été décidé d'envoyer trois gars faire le tour des bois pour les retrouver... bien sûr, on ne les a jamais revus, eux non plus. Dès lors, la peur s'est installée dans tout le domaine, plus personne n'acceptait d'approcher la lisière et les paysans ont abandonné les champs trop éloignés des habitations. Mais ce n'était là que le prélude. Il y a six jours, une jeune fermière a retrouvé le premier disparu...
Des gouttes de sueur perlaient à présent au front de l’homme et sa voix s’était faite imperceptiblement tremblante.
- Elle travaillait dans les plantations de navets qui bordent le manoir quand elle est tombée sur lui… ou plutôt sur sa tête. Alertés par ses hurlements, des gars sont allés voir et ils l’ont vue, la tête, dépassant du sol au milieu des raves, d’étranges lianes prolongées de grandes feuilles lui sortant du nez, de la bouche, des oreilles… Le corps était toujours dessous, enterré jusqu’au coup en position fœtale. Ceux qui avaient le plus de cran sont allé le sortir de son trou pour le porter à Verdino, le prêtre de Chauntéa vivant au manoir, afin de tirer cette affaire au clair. Puis, deux heures d’analyse plus tard, il est sorti de son étude en exigeant que le corps fut immolé au plus tôt. Il n’en donna les raisons qu’à Dame Brassica. Le lendemain, plus personne n’osait mettre le nez dehors, abandonnant les cultures et condamnant le domaine à la banqueroute. C’est là que je me suis porté volontaire pour partir chercher main forte en ville, sauver nos loyales gens, les terres chichement acquises par le défunt Sire Kany et l’éclat de la jeune branche gemmalienne des Ballista. Vous comprenez à présent que le temps presse, et qu'il nous faut trouver une solution pour - premièrement - préserver nos vies et - deuxièmement - parvenir à assurer les récoltes prochaines pour ne pas risquer la déchéance.
_________________ Rien que pour vous : Les règles du hibou. Consultez-les, mes mulots, car entre mes serres vos vies en dépendent.
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